Proust et le coronavirus : " Pas un de mes personnages ne se lave les mains… "

Mercredi 18 Mars 2020

Pour signifier que sa littérature n’était pas réaliste, qu’elle ne souciait pas de « contrefaire la vie » mais d’en extraire les lois générales, cachées, inconscientes, Proust aimait à dire : « Pas une seule fois un de mes personnages ne se lave les mains … »

Par gros temps de confinement, c’est avec effroi que vous lisez cet auteur subversif et à l’hygiène problématique. Est-il bien citoyen et raisonnable de tenir entre ses mains un roman où les personnages, en contravention avec tous les « gestes barrières » édictés par le gouvernement, ne se les lavent jamais, ignorent l’usage du savon et du gel hydroalcoolique ? Sans doute, êtes-vous trop impressionnable. Mais, en ces temps de « distanciation sociale », il vous semble que ce serait une folie de vous rendre à la matinée chez la princesse de Guermantes, ex-madame Verdurin. Dans le cadre des mesures de prévention contre la propagation de l’épidémie de Covid-19, ce rassemblement vous apparaît, au mieux, comme le suicide collectif d’une sinistre secte germanopratine, mangeuse de pangolins et de chauve-souris. Non merci.

D’ailleurs, la seule mine maladive et démasquée de M d’Argencourt, « molle chrysalide, plutôt vibratile que remuante », vous en dissuaderait. C’est décidé. Dans un mouvement hystérique, vous déchirez votre attestation de déplacement dérogatoire et vous envoyez un pneumatique à cette princesse pathogène pour vous faire porter pâle.

 

Source : https://www.nouvelobs.com/bibliobs/20200317.OBS262...

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